Catherine

 

Je détournais le visage comme pour dissimuler ma gêne, puis je fis quelques pas vers les toilettes. Pour l’instant, je ne cherchais qu’à m’éloigner pour recouvrer le contrôle de mes émotions. L’envie d’uriner viendrait plus tard. En défaisant ma braguette, je posai un œil distrait sur le water. Le siège était relevé et l’eau de la cuvette troublée par un liquide jaune et âcre. L’envie ne vint pas. Elle fut coupée avant même d’éclore. Ma vessie entra en cale sèche répugnée par la fourberie. Catherine, je m’en rappelais, ne supportait ni que j’oublie de rabaisser le siège après usage, et encore moins que je néglige de tirer la chasse. Ça faisait quatre nuits que je n’étais pas passé la voir. Cela ne pouvait être mon urine.

Mon esprit s’agitait. Mon cœur flanchait. Mon souffle s’entrecoupait nerveusement. Je sentais la crise d’asthme imminente. Mon imagination alimentait une détresse grandissante. Sans savoir ce qui s’était passé ou qui était venu, je m’apprêtais à la confronter de manière virulente, et même à tirer, s’il le fallait, un trait sur cette relation perfide. Pire que moi, tu meurs. La situation était insupportable. Jouait-elle la comédie avec mon affection ? Depuis combien de temps voyait-elle quelqu’un d’autre ? Feignait-elle ses sentiments ? J’imaginais le pire. En tout cas, je ne considérais nullement cette trahison comme un juste retour du balancier. Moi au moins, pour le moment, je ne couchais avec personne d’autre.

Pourquoi avais-je été si bête de lui donner ma confiance à Fécamp ? Je m’étais fait avoir comme un amateur. Elle n’avait pas vraiment changé. Ma mine se durcit. Rageur, je me sentais seul et isolé comme avant cette rencontre inopinée. Après de longues minutes investies à me raisonner moi-même, je retournai au salon. Radieuse, le profil opiniâtre, Catherine me narguait, assise toute zen sur le divan, le sourire éclatant, un pied calé sous des cuisses à l’air libre, le derrière débordant de la culotte trop petite. La poitrine insolente pointée vers mon désarroi, elle m’irritait magistralement. Je la trouvais vulgaire, impudique, détestable, toute cette pourriture savamment ficelée dans un paquet de toute beauté. Ça me faisait mal de contempler tant de gâchis. Les choses s’étaient soi-disant améliorées entre nous. Tu parles !

— Que se passe-t-il, Alain ? Pourquoi fais-tu cette tête ?

Je ne répondis pas. Je ne le pouvais pas. Elle n’insista pas non plus. J’aurais explosé si elle s’était acharnée. Quels reproches avais-je le droit de lui faire ? Les termes de notre engagement avaient depuis longtemps été posés. Pour quelle raison exactement devais-je l’enquiquiner ? Je me mis à bouder, et mon silence passa d’abord à ses yeux pour une saute d’humeur. La crainte naissante que je lisais dans son regard interrogeait mon équilibre mental. L’air bousculé, elle rangea sa paperasserie éparpillée sur la table basse, puis alluma le téléviseur avant de se jeter sous la douche. Elle venait de remporter ce round sans même avoir eu besoin de se battre. Était-elle si forte que ça ?

Publié par

michelnchristophe

I write in the margin. J'écris dans la marge.

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