Maternés à outrance

Depuis mon retour, une problématique à laquelle je ne m’attendais pas m’interpelle.  

Les jeunes-hommes que je rencontre sont maternés à outrance par leurs mères au point de pratiquement passer pour des handicapés. Ils ne font rien sans validation maternelle, ne savent rien faire tout seuls, et en gros, on dirait bien qu’ils manquent d’initiative. Trop d’amour en retour de rien du tout et le cycle de la perdition commence. On en fait des perdants avant même que la course de la vie dans le monde adulte n’ait commencée. Comment une société se développe-t-elle si en son sein même elle est rongée par autant de dépendance ? Si sa jeunesse est à genoux ?   

Rien de nouveau, vous me direz ! J’avais constaté les effets dévastateurs de cette aberration à l’échelle de ma petite famille, mais maintenant le phénomène me semble avoir pris de l’ampleur. Il semble s’être généralisé. S’il vous plaît, rassurez-moi et prouvez-moi que je me trompe ! Des garçons au verbe tèbè, trop nerveux, incertains, incapables de faire face aux difficultés de la vie adulte, de penser par eux-mêmes, et d’assumer la responsabilité de leur propre développement occupent tout l’espace.

Qu’attend-on d’un homme en Guadeloupe, aujourd’hui ? N’y a-t-il de place que pour la niaiserie ?  

Ces jeunes Bisounours ont des points communs ; souvent le produit de la séparation, ils sont élevés par leurs mères, avec une piètre image paternelle. Ils s’étourdissent à l’alcool et à l’herbe, et manifestent une codépendance affirmée vis-à-vis de leur ‘manman’, des jupons desquels ils n’arrivent pas à se dépêtrer.  

Nos femmes ont un problème avec leurs fils qu’elles couvent trop. Elles s’y attachent si fort qu’en se faisant, elles les privent de leur libre-arbitre, de toute possibilité de responsabilisation, et surtout de l’occasion de se débrouiller tout seuls.  

Mais le problème de ces jeunes, et le problème de ces femmes, ne serait-il pas, en fait, un prolongement et la conséquence de la faiblesse, de la dépendance, de l’immaturité, et de l’insignifiance de leurs pères ?  J’aurais tellement aimé avoir tort !  

N’avons-nous pas affaire, plus généralement, à un problème familial, transgénérationnel, qui touche de plus en plus de monde, là où l’autorité morale flanche ? Notre société est profondément malade. Ne devons-nous pas nous regarder en face pour commencer à discuter franchement et honnêtement, à mettre toutes les cartes sur table pour enfin soigner nos maux nous-mêmes ? Dans quelle mesure sommes-nous responsables de nous-mêmes et de ce qui nous arrive ?  Notre cécité est-elle programmée ou volontaire ? 

Où serait-il plus facile d’éliminer le messager ? Mon rôle n’aura jamais été de caresser vos consciences dans le sens du poil, mais de toujours les questionner !  

Publié par

michelnchristophe

I write in the margin. J'écris dans la marge.

2 réflexions au sujet de « Maternés à outrance »

  1. Bonjour Michel N Christophe,
    Cette problématique me semble vraiment importante et mérite justement d’être mise sur la table dans nos îles. C’est vraiment incroyable ce développement des garçons qui semble se faire en lien avec la mère au-delà du moment où le cordon aurait dû être coupé. Ceux-ci semble rester dépendants de la figure maternelle d’une façon positive vis à vis de celle-ci ou négativement, c’est à dire sur un socle conflictuel liée à la mère. Je suis moi-même confrontée à cette problématique avec mon fils âgé de 32 ans. Il a été responsable très tôt, dès l’adolescence où il a commencé à se procurer par lui-même ses « fringues » par des jobs et la vente de produits licites dès 14 ans. Ce qu’on appelle un débrouillard. Grand bricoleur…ayant appris à cuisiner même mieux que moi. Le week-end je l’ai habitué à prendre en charge ses vêtements à l’ancienne, c’est à dire à la main, ce qu’il faisait le samedi matin en général. Je me suis inscrite dans cette volonté de le rendre dépendant et il y a trouvé son compte. Enfant peu bavard dès ses 11 ans, depuis quelques années il est capable de passer des heures à discuter avec moi au téléphone. Il semble en tirer une certaine fierté lorsque ses amis s’interrogent sur sa capacité à être si proche de sa mère. Il vit à Paris où il a commencé à travailler très vite après son arrivée. Il a choisi de suivre une formation afin de se présenter aux examens de sélection de technicien à la RATP. Dans sa promotion il a été avec un natif les deux seuls rescapés. Tout ceci pour dire qu’il s’est toujours assumé matériellement sans problème et sans que j’aie eu à le motiver. Jamais eu à le réveiller pour qu’il aille en classe. Il a été enfant unique jusqu’à ses 13 ans à la naissance de ses sœurs jumelles, nées de ma nouvelle union. Il a jusqu’ici de très bonnes relations avec mon mari même si nous sommes séparés.Mes beaux-enfants et lui ont gardé leur attachement fraternel et sont toujours très proches. À ma grande surprise, j’ai constaté avec effarement que mon fils est comme re-lié par un cordon depuis quelques années, surtout depuis son installation en France. Il éprouve le besoin d’être en contact avec moi au moins deux fois par semaine. Et là, je me retrouve à le reprendre sur son langage, lui rappeler la nécessité de contrôler sa colère… Je rééduque un homme redevenu ado ! Il est arrivé qu’il m’appelle lorsqu’il a maille à partir avec quelqu’un, une compagne, comme s’il avait besoin de moi pour réussir à se contrôler. Je lui ai déjà bien rappelé que je ne suis pas éternelle et qu’il doit travailler à mettre des limites à cette colère avec laquelle il est né… Son père est très présent quand il le faut, même s’ il vit en Martinique. Il est vrai que son parcours de vie est très particulier, tout comme le mien…
    En écrivant ce qui est en quelque sorte un témoignage en lien avec la problématique posée,j’ai enfin pu comprendre d’où venait cet attachement infantile tardif:
    Lors de la séparation définitive avec la mère de ses deux premiers enfants qui a été aussi son premier véritable amour, j’ai dû l’accompagner de jour comme de nuit certaines fois. Il est revenu s’installer à la maison pendant un trimestre à peu près le temps qu’il se remette sur pied. Il a vécu cette rupture comme un abandon, un rejet… Je crois qu’en fait, cet attachement excessif était latent car au-delà de cette dépendance affective de mon fils, il y a un élan protecteur très présent vis à vis de ma personne. J’ai été malade durant son enfance et de nouveau pendant quelques années après la naissance de ses sœurs. J’ai appris au détour d’une conversation avec ces dernières que tous trois cette année, le covid aidant, ils ont évoqué le désarroi qui serait le leur si je venais à disparaître.
    Je vous encourage vraiment à creuser ce sujet car je crois que c’est un souci pour beaucoup de mères. Sur 6 sœurs, nous avons trois a avoir eu des garçons. Pour l’une, mère de trois fils, on a remarqué en famille une dépendance excessive des garçons et une propension de la mère à voler au secours de ses fils dans quelque situation que ce soit. Ces fils ont souvent raison même s’ils ont tort et qu’elle le reconnaît. Pour l’autre, ayant veillé à faire de son garçon un homme indépendant, les relations demeurent conflictuelles. Les pères ont été présents sans vraiment l’être. Des exemples comme ceux-ci, j’en connais un très grand nombre.
    Je vous prie de m’excuser d’avoir été si longue.

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